Hausse des IDE en Afrique : la prime à l’intégration régionale

Le dernier rapport de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) sur les investissements dans le monde confirme l’attractivité retrouvée de l’Afrique en 2018. Alors que les investissements directs à l’étranger (IDE) ont chuté de 13% à l’échelle mondiale l’année dernière, ceux à destination du continent africain ont bondi de 11%. Dans un contexte économique mondial morose, troublé par la menace d’une escalade de la guerre commerciale États-Unis/Chine, l’Afrique échappe à la tempête protectionniste en continuant à capter une part croissante des investissements.

Il est tentant de se concentrer sur l’arbre qui cache la forêt, en se réjouissant de ce chiffre en hausse. Il faut pourtant rappeler que l’Afrique continue de capter une part infime des IDE dans le monde, seulement 3,5%, soit 45,9 milliards de dollars. À titre de comparaison, l’Inde seule a reçu en 2018 près de 42,3 milliards de dollars d’IDE. En 2018, les IDE en Afrique sont restés toujours inférieurs au niveau des années 2014-2015, suite à la chute des cours des matières premières. Les ressources naturelles restent par ailleurs le principal vecteur d’investissement sur notre continent – permettant par exemple à la République du Congo de se hisser à la 3e place du classement africain grâce aux investissements dans l’exploration et la production pétrolière – avec quelques exceptions dans certaines économies plus diversifiées.

« l’Afrique renforce son intégration dans le cadre d’un projet économique et politique commun »

Plusieurs facteurs peuvent contribuer à une hausse des IDE en 2019 : l’hypothèse de la stabilité des cours des matières premières, voire une hausse de certaines d’entre elles dont l’Afrique est riche ; un investissement accru des États-Unis sur le continent africain voulant rivaliser avec la Chine, avec la création notamment de l’U.S. International Development Finance Corporation (USIDFC) qui devrait pouvoir mobiliser 60 milliards essentiellement à destination du continent africain ; la ratification de l’Accord sur la zone de libre-échange continentale africaine qui renforce l’attractivité du continent en tant que vaste espace économique en cours d’intégration.

Alors que les ensembles régionaux sont pour la plupart fragilisés par des tensions internes – même l’Union européenne ne peut plus faire guise de modèle avec le Brexit et la montée des populismes – seule l’Afrique renforce son intégration dans le cadre d’un projet économique et politique commun. Le 30 mai dernier, la ZLECAf est officiellement entrée en vigueur, posant les jalons d’un marché unique de 1,2 milliard d’habitants au PIB estimé à 2 500 milliards de dollars. En parallèle, l’environnement des affaires continue de s’améliorer sur le continent, facilitant les investissements et soutenant le développement des petites et moyennes entreprises. Au classement Doing Business 2019, l’Afrique brille par le nombre de réformes menées, même dans des pays fragilisés par des conflits.

Néanmoins, s’il est vrai que les États africains doivent continuer à améliorer leur attractivité vis-à-vis des investisseurs étrangers, une des priorités doit rester la mobilisation de nos ressources domestiques. Ce ne sont pas les IDE qui amèneront une transformation structurelle de nos économies. Le ratio moyen impôts – PIB du continent africain reste faible comparé au ratio moyen des pays de l’OCDE et des autres régions du monde. Cette perte de revenue est plus que dommageable pour les politiques de développement alors que la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique estime que notre continent pourrait gagner 99 milliards de dollars par an en adoptant de meilleures politiques fiscales.

Notre défi n’est pas sans difficultés pour émerger dans la mondialisation : notre continent mène de front un éventail de réformes sans commune mesure, mais c’est seulement en combinant intégration régionale, amélioration du climat des affaires et diversification de nos économies que nous ferons de l’Afrique une puissance économique qui pèse au niveau mondial.

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