Les communautés locales, relais dans la lutte contre la pandémie

Les organisations locales africaines contribuent fortement à contenir la pandémie. Elles ont montré à travers le temps leur utilité sociale et leur capacité de résilience.

L’AUDA-NEPAD a pris très tôt la mesure de la pandémie et de l’importance d’une réponse coordonnées au niveau continental. Nous avons noué des partenariats, mobilisé des ressources avec la création d’un fonds pour lutter contre le coronavirus, dont les engagements totalisent déjà 20 millions de dollars.  Nous avons planifié les modalités d’intervention de lutte contre cette pandémie dans les domaines stratégiques de santé publique et plus largement de politique publique, mais aussi en soutien au secteur privé sévèrement impacté par la récession mondiale. Notre plan d’action vise principalement les sept domaines suivants : Prestation de services de santé ; ressources humaines pour la santé ; recherche, développement, innovation et fabrication locale ; éducation et formation ; compétences et employabilité ; sécurité alimentaire et nutritionnelle ; et financement.

Sur le terrain, au quotidien, des agents de développement local, des responsables politiques, associatifs ou religieux communiquent au plus près des communautés pour faire ce travail, ô combien essentiel de sensibilisation à la lutte contre le virus. Les dispositifs mis en place cette dernière décennie pour lutter contre les différentes épidémies notamment contre le virus Ebola permettent aujourd’hui de disposer des infrastructures, des personnes et des ressources mobilisables rapidement.

En Sierra Leone, les centres de santé communautaire ont été construits au fil du nombre de cas de personnes infectées par le virus Ebola. Ils ont servi à mettre en quarantaine et à soigner ceux qui pouvaient encore l’être. Un maillage constitué de soignants, des auxiliaires médicaux formés pour les assister, de membres de la communauté villageoise, de responsables régionaux a permis de détecter, d’isoler les malades et de sensibiliser les familles pour éviter la propagation du virus. Ce dispositif a fait ses preuves, le dernier cas Ebola en Sierra Leone a été soigné début mars 2020 quelques jours avant que le premier cas de Covid-19 soit déclaré dans le pays.

« À travers le continent, à chaque fois qu’il a fallu se mobiliser, nous avons pu compter sur nos réseaux de proximité, engagés au service de la communauté. »

Les enseignements alors tirés ont permis au pays d’anticiper la propagation de la pandémie suivante. Le même type de maillage s’est créé au Nigeria pour endiguer la polio. Ce même réseau des agents de santé communautaire, plus de 7000 à travers le pays, a été formé dans des délais record à la détection de tout cas suspect de Covid-19. Nous pourrions citer bien d’autres exemples au Ghana, au Sénégal, en Maroc, en Éthiopie, au Rwanda et partout en Afrique, de réseaux locaux qui, de manière agile et résiliente, ont pris le relais des gouvernements dans cette lutte contre la propagation du virus.

L’AUDA-NEPAD a conscience du rôle central de nos communautés traditionnelles, religieuses ou locales dans le développement inclusif du continent. L’Agenda 2063, adopté en 2015, s’appuie sur les organisations traditionnelles pour soutenir nos politiques de développement.  À travers le continent, à chaque fois qu’il a fallu se mobiliser, nous avons pu compter sur nos réseaux de proximité, engagés au service de la communauté.

Les sociétés africaines sont des sociétés de communautés, et non d’individus. Elles sont maillées d’innombrables solidarités qui leur donnent cette très forte résilience. Elles structurent les liens sociaux et soutiennent le développement économique, encore plus chez les jeunes, les femmes et les populations vulnérables. Elles préservent nos cultures pour permettre de les faire survivre au temps qui passe, au mépris des pires catastrophes même sanitaires. La gestion de la pandémie du Covid-19 particulièrement dans les pays occidentaux dont le fonctionnement communautaire est moins ancré dans la culture nous rappelle que les solutions se trouvent chez nous. Et peut-être le reste du monde pourrait-il s’en inspirer.

L’Afrique unie face à la pandémie

L’Union africaine n’a jamais aussi bien porté son nom.  La pandémie est là, chaque jour de nouveaux cas. Notre continent, jusque-là épargné, voit le nombre de personnes contaminées bondir. La question n’est plus de savoir si nous sommes prêts à l’affronter, mais de faire front, ensemble, face à ce virus qui ne connaît ni frontière ni ethnie.

Solidarité du corps médical
À peine le premier cas de Covid-19 déclaré et l’Union africaine réunît les ministres de la Santé le 22 février pour élaborer une stratégie à l’échelle continentale et créer un groupe de travail, l’Africa Coronavirus Task Force (AFCOR), comprenant six équipes techniques travaillant en étroite collaboration avec les États membres, l’OMS et Africa CDC (Center for Disease Control). L’institution technique de l’UA, née pour soutenir les initiatives de santé publique, est en première ligne dans cette course contre la montre.  Début février, seuls le Sénégal et l’Afrique du Sud étaient en mesure de dépister des cas. Le CDC africain a soutenu les 55 États membres dans le renforcement des capacités au niveau national en formant sur des priorités clés telles que la surveillance des maladies au point d’entrée, la surveillance événementielle dans les établissements de santé communautaire et les diagnostics en laboratoire.

Grâce au partenariat instauré entre le CDC et l’OMS, 43 pays en sont désormais capables. Preuve s’il en est qu’une stratégie coordonnée porte ses fruits. L’Africa CDC a ciblé 3 pays où les risques de propagation du virus sont très élevés : le Nigeria, le Cameroun et le Kenya. L’institution a estimé pour le moment 850 000 dollars la somme nécessaire au renforcement des capacités de réponse au Covid-19 dans ces pays. Cette somme, même modeste, permettra d’une part de former et renforcer les capacités de diagnostics en laboratoire et d’autre part, de soutenir les pays ciblés dans l’acquisition d’outils statistiques autant que de techniques performantes de surveillance de la maladie. Certes, nous n’avons pas les moyens des pays développés, pourtant dépassés par l’ampleur de la catastrophe. Notre salut est à trouver dans notre capacité à prévenir et à isoler les foyers de contamination. Pour cela, nous devons ensemble trouver nos solutions en mobilisant nos ressources internes.

Solidarité économique
Pour soutenir cet effort de guerre, toutes les institutions financières panafricaines sont mises à contribution. D’ores et déjà, la BOAD, la Banque ouest-africaine de développement a débloqué 120 milliards de francs CFA sous forme de prêts de 15 milliards de francs CFA (23 millions d’euros) à chacun de ses huit États membres. La banque s’engage à geler une partie de la dette de ces pays estimées à 76,6 milliards de F CFA.

La Banque arabe pour le développement économique en Afrique (BADEAT) a réservé pour sa part une enveloppe de 100 millions de dollars pour soutenir les efforts des pays de l’Afrique subsaharienne en matière de prévention et de limitation de la propagation de la pandémie. La Banque africaine d’import-export (Afreximbank) a annoncé une facilité de 3 milliards de dollars, appelée faciliter d’atténuation de l’impact du commerce pandémique, pour aider les banques centrales des pays africains à faire face aux impacts économiques, notamment les défauts de paiements commerciaux de la pandémie de Covid-19. Ce fonds sera également disponible pour soutenir et stabiliser les ressources en devises des banques centrales des pays membres, leur permettant de soutenir les importations critiques dans des conditions d’urgence.

Solidarité militaire
Nous gardons en tête notre objectif inscrit dans l’Agenda 2063 : faire taire les armes. Pour préparer la paix, il faut parfois préparer la guerre. À cet effet, une réunion conjointe UA-CEDEAO-G5 Sahel sur le déploiement des forces africaines de 3000 militaires au Sahel s’est tenue le 16 mars à Niamey au Niger. L’UA va déployer des troupes supplémentaires, 3 000 militaires, pour appuyer les efforts des pays du G5 Sahel. L’armée tchadienne a encore dû essuyer seule des attaques meurtrières et quasi simultanées perpétrées par Boko Haram contre ses positions à Boma dans le lac Tchad et un convoi de l’armée nigériane à Konduga dans l’État du Borno.

Nous espérons que sera entendu l’appel d’urgence lancé à l’Afrique et à la communauté internationale par le Président de la commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, pour une solidarité opérationnelle dans la lutte contre le terrorisme.

Cette pandémie mondiale doit nous rappeler l’essence même de nos institutions, la raison d’être de l’AUDA-NEPAD : la mise en commun de nos forces pour dépasser l’adversité, pour notre survie. Notre sens de la solidarité familiale et communautaire n’est plus à démontrer. En portant et supportant nos parents, nos familles, nos voisins, nos alliés, nous faisons comme nos ancêtres, protéger les humains. Aussi en ces temps contrariés, montrons-nous exemplaires et continuons à faire vivre en nous cette solidarité, notre plus noble héritage.

Se donner une chance pour réussir la ZLECAf

L’AUDA-NEPAD et Frederick S. Pardee Center for International Futures (Université de Denver) ont publié conjointement une étude sur les conditions de réussite dans la mise en œuvre de l’Accord de libre-échange continentale africaine. En voici les principaux enseignements.

Depuis la création de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), entérinée lors du sommet de l’Union Africaine à Niamey, le 7 juillet 2019, nous n’avons de cesse de faire avancer l’idée qu’un marché commun pour et par les Africains est possible pour ainsi créer un marché unique des biens et des services afin de faciliter la libre circulation des personnes et des investissements, et jeter les bases d’une union douanière continentale. Nous continuons à promouvoir auprès des chefs de gouvernement cette intégration économique, privilégiant le partage des bénéfices économiques aux rivalités historiques et aux gains relatifs.

Cette étude s’inscrit dans cette démarche. Elle permet de mettre à plat l’ensemble des défis locaux et internationaux susceptibles d’accroître ou d’entraver la mise en œuvre de l’Accord. Elle éclaire ainsi les décideurs africains en mettant à leur disposition des données chiffrées objectives pour les aiguiller dans leur prise de décision. Car la condition préalable à la mise en œuvre de la ZLECAf reste la volonté politique de faire progresser les relations commerciales intracontinentales. Il s’agira alors pour les parties prenantes de coordonner et d’harmoniser les politiques commerciales aux niveaux national, régional, continental et mondial.

Repenser les sources de recettes publiques
La ZLECAf appelle à la suppression de 90 % des droits de douane sur le commerce intra-africain ce qui, pour certains pays tributaires de ces taxes, pourrait représenter une baisse des recettes publique et donc un obstacle à la réussite de l’Accord. Or, selon les données tirées de l’étude, les tarifs douaniers intra-africains sont faibles par rapport aux tarifs entre l’Afrique et le reste du monde. Environ 1,5 % du PIB africain soit 37 milliards de dollars provient des droits de douane sur les importations en provenance du reste du monde. Par comparaison, les recettes tarifaires du commerce intra-africain ne représentent que 0,1 % du PIB africain en 2015 soit 3,5 milliards de dollars. Aussi, la mise en œuvre de la ZLECAf aura un effet négatif limité sur les recettes publiques au niveau du continent.

« Les conditions du succès de la ZLECAf passent aussi par la réduction des obstacles non tarifaires au commerce, comme la mauvaise gouvernance, le manque d’infrastructure et les passages de frontières, et la prévalence du commerce informel. »

Faire monter en compétences et soutenir les États les plus fragiles
Au-delà des droits de douane, c’est l’ensemble du système d’imposition qu’il faudra harmoniser, notamment la TVA. Nombre de pays sont en incapacité de gérer ces nouvelles normes. Une formation rigoureuse des fonctionnaires de l’union douanière et le renforcement des capacités de chaque État membre sont indispensables. Pour les États les moins avancés, une aide plus directe sous forme de sessions de formation, d’aide économique et de développement institutionnel guidé devra être fournie par la ZLECAf et les organisations partenaires (Assemblée de l’Union africaine, douzième session extraordinaire, 2019). L’étude insiste sur le fait que la réussite du contrôle de la TVA dépendra de la réduction des niveaux de corruption associés aux impôts sur les recettes parmi les élites gouvernementales.

S’attaquer aux obstacles non tarifaires
Les conditions du succès de la ZLECAf passent aussi par la réduction des obstacles non tarifaires au commerce, comme la mauvaise gouvernance, le manque d’infrastructure et les passages de frontières, et la prévalence du commerce informel ; par la diversification des exportations pour le commerce intra-africain, notamment par l’augmentation de la production manufacturière locale ; par le renforcement de la surveillance des flux transfrontaliers de biens et de services.

Réduire les coûts consécutifs à la ZLECAf
Pour atténuer les tensions dans le cadre de la ZLECAf, l’étude préconise de créer un mécanisme de règlement des différends pour résoudre les questions qui se posent entre les États membres. Elle propose également de réfléchir à un Fonds de développement de l’Union africaine qui pourrait soutenir les pays qui connaissent des bouleversements sociaux en raison d’une plus grande ouverture commerciale en investissant dans le capital humain, les infrastructures et l’amélioration de la gouvernance.

Ainsi, la levée de tous ces obstacles au commerce, la bonne gouvernance et le développement des infrastructures, y compris les technologies de l’information et de la communication, sont des conditions incontournables de réussite de la ZLECAF. Dans cette optique, l’AUDA-NEPAD s’assurera que toutes les ressources soient mobilisées pour que les États signataires puissent de faire de cet immense projet, une réelle opportunité de croissance pour tous les Africains.

Pour consulter le rapport

Ouvrir des perspectives professionnelles pour faire taire les armes

Au lendemain du 33ème sommet de l’Union Africaine sur le thème « Faire taire les armes », nous réaffirmons le rôle de l’AUDA-NEPAD dans la prévention des conflits et le maintien de la paix par le développement économique et social.

Lors de la publication de l’Agenda 2063, nous avions fixé le silence des armes à échéance 2020. Une fois ce constat dramatique passé, il s’agit de tirer les conséquences et prendre la mesure de ce que nous devons changer ou améliorer pour garantir la paix et la sécurité pour tous les Africains, préalable indispensable au développement de notre continent.

 Notre attention est sans relâche pour ne laisser aucun espace à la prolifération des armes.  Nous devons continuer à refuser la violence, les conflits et le terrorisme. Et pour cela, les mécanismes de coopération diplomatique et de résolution de conflit doivent être privilégiés, dans la logique que nous porte « de solutions africaines aux problèmes africains ».

Lutter contre les symptômes, certes mais il nous faut aussi soigner le mal à la racine. Et pour cela, il nous faudra accélérer et amplifier le développement économique et social de l’Afrique. Les reformes engagées ont vocation à être dupliquées, multipliées, étendues sur le continent pour la satisfaction des besoins humains fondamentaux, notamment l’éducation, la santé, l’assainissement, la sécurité alimentaire, le logement, l’eau potable et l’énergie. L’UA, les CER et les États membres sont les premiers responsables de la mise en œuvre des politiques, stratégies et programmes de développement visant à intégrer le continent et à avoir un impact positif sur les moyens de subsistance et le bien-être de tous les Africains, notamment les plus jeunes.

« Nous continuerons à promouvoir la paix par la création d’emplois, par la formation initiale autant que professionnelle en milieu urbain comme en milieu rural »

Ainsi, l’AUDA-NEPAD mise sur la formation professionnelle et l’entreprenariat des femmes et des jeunes en soutenant l’intégration et l’alignement de l’EFTP (Enseignement et Formation Technique et Professionnels) dans les cadres nationaux de qualification de quinze pays, de l’Afrique du Sud à la Tunisie, en passant par le Benin et le Sierra Leone. Nous intervenons également dans le renforcement des capacités dans le secteur agricole de douze pays du PDDAA EFTPA. Le programme EFPTA (Enseignement et formation Technique et Professionnels Agricoles) pour les femmes est déjà pleinement opérationnel dans six pays.

Avec le programme Initiative compétences pour l’Afrique (SIFA), présent dans sept pays,  nous soutenons l’autonomisation et développement des compétences des jeunes.  

Des plans d’action nationaux pour l’emploi et l’entrepreneuriat des jeunes en milieu rural ont été élaborés et validés au Bénin, au Cameroun, au Malawi et au Niger.

Le programme 100 000 PME pour 1 million d’emplois vise à créer des opportunités pour 1 million de jeunes d’ici 2021. Des recommandations politiques ont été formulées pour faire pression sur les dirigeants politiques de manière à accélérer les réformes nécessaires pour améliorer l’environnement économique et promouvoir l’entreprenariat de jeunes.

Bien évidement, à l’échelle du continent, ces programmes sont nécessaires mais pas suffisants. Nous continuerons à promouvoir la paix par la création d’emplois, par la formation initiale autant que professionnelle en milieu urbain comme en milieu rural, par le développement du secteur de la santé, par la protection de la nature et la lutte contre le réchauffement climatique et ses conséquences en terme de déplacements de populations, par l’interconnexion des pays et des régions pour faciliter les échanges et ainsi l’ouverture à l’autre. Nous continuerons de construire  et reconstruire des ponts et des routes entre les peuples, là où d’autres rasent tout sur leur chemin.  

Redonnons sens au collectif

À la veille du 33ème Sommet de l’Union africaine qui se déroulera les 9 et 10 février prochains en présence de tous les États du continent, il est essentiel de rappeler les liens qui nous unissent. Réinvestir nos territoires, renforcer nos régions économiques, abolir les frontières douanières, nous émanciper des contraintes extérieures sont autant d’éléments pour qui nous permettrons de retrouver du sens à nos actions et de stimuler notre capacité à nous rassembler autour de valeurs communes. 

Un changement de paradigme est indispensable

La nouvelle décennie qui s’ouvre porte l’espoir d’un changement de paradigme si nous respectons ce que nous prônons. Notre continent, dont la jeunesse et le dynamisme sont les vraies richesses, devra répondre aux attentes fortes de justice sociale et d’équité dans la répartition des richesses d’une population de plus en plus intégrée autour d’une conception mondialisée de la vie économique et politique. Nous n’avons d’autre choix que de repenser notre rapport à nous-mêmes et au reste du monde. Pour cela, dès à présent nous avons cherché à inclure et fait participer notre jeunesse dans la conception et à la mise en œuvre de l’Agenda 2063, notre vision continentale de transformation socio-économique.

Jouer collectif

Depuis sa récente création, l’Agence de développement de l’Union africaine (AUDA-NEPAD) promeut l’intégration économique régionale, les projets transfrontaliers et vise à renforcer sa coopération avec les communautés économiques régionales. La mise en route des grands projets prioritaires du PIDA – les corridors Nord-Sud ou Abidjan-Dakar, le corridor côtier Abidjan-Lagos, les lignes ferroviaires Dakar – Bamako, la ligne de Transmission Zambie – Tanzanie – Kenya (ZTK) et tant d’autres réalisations – est la concrétisation de notre désir de faire ensemble. Désormais, la marche de l’intégration régionale va dans le sens d’un continent interconnecté, dépassant évidemment les frontières.

« C’est aussi une opportunité pour les acteurs politiques et économiques africains de viser des consensus démocratiques et d’adopter une position commune dans les négociations internationales. »

Faire face au changement climatique

Inscrites dans l’Agenda 2063, la protection de la biodiversité, la conservation et la gestion durable des ressources naturelles, la sécurité en eau, les énergies renouvelables représentent des choix stratégiques critiques. En effet, il n’y a pas de croissance durable sans inclusion et cela encore plus vrai dans les années à venir. L’urgence de relever les défis posés par le changement climatique impose une double démarche : atténuer les causes et s’adapter aux conséquences. D’où la nécessité de miser sur un développement à plus forte valeur écologique possible. Cela implique de planifier différemment et de mettre en application des mesures concrètes d’adaptation, et de mettre en application des mesures concrètes d’adaptation, DE renforcer la résilience, de revoir nos systèmes alimentaires, d’adopter des économies vertes résistantes au changement du climat, d’améliorer la veille climatologique et météorologique… C’est aussi une opportunité pour les acteurs politiques et économiques africains de viser des consensus démocratiques et d’adopter une position commune dans les négociations internationales.

Faire tomber les frontières pour une libre circulation des personnes

Sauf à nier l’évidence, les déplacements de population répondent à un besoin de survie, et de sécurité. Entraver ce mouvement, c’est courir le risque de voir des populations pauvres captives d’un cercle vicieux d’appauvrissement et les zones les plus dynamiques privées de force de travail. Repenser nos frontières pour autoriser une libre circulation. Nous devons travailler à rendre cela possible et dans les meilleures conditions.

Dans cette optique, des étapes importantes ont été franchies concernant deux des objectifs clés de l’Agenda 2063 : la création d’une zone de libre-échange à l’échelle continentale, ZLEC et celle d’un marché unique du transport aérien (SAATM – Single African Air Transport Market). En effet, 80% du trafic aérien en Afrique est encore assuré par des compagnies étrangères au continent. Objectif majeur de l’Agenda 2063, le SAATM a été lancé le 28 janvier 2018 par la Commission de l’UA. La libéralisation de l’accès au marché entre États africains, le libre exercice des droits de trafic et la libéralisation des fréquences doit permettre de contribuer à l’intégration et à la croissance socio-économique du continent. Pour ce qui est de la ZLEC, mise en route en mars 2018, une fois en vigueur, elle sera la plus grande zone commerciale du monde, devant théoriquement augmenter le commerce intra-africain de 52% d’ici 2022, supprimant les droits de douane sur 90% des marchandises. Libérons nos espaces sur terre ou dans les airs. Ceci est un défi.

Nous sommes désormais à la croisée des chemins. Nous n’avons jamais collectivement été aussi conscients de nos ressources matérielles et immatérielles, de nos forces, de notre place à créer dans ce monde incertain. Dans le même temps, ces incertitudes face aux grands changements démographiques, climatiques, politiques ou économiques s’accélèrent. À l’orée de cette nouvelle décennie, notre responsabilité en tant que citoyens est de veiller à ce que les espoirs de notre jeunesse et les rêves des leaders fondateurs ne soient pas vains.

Ma sélection d’ouvrages de l’année 2019

Quand l’année s’achève, il est toujours important de se rappeler les moments forts des douze derniers mois. En tant que passionné de lecture, j’ai choisi les cinq ouvrages qui ont retenu mon attention en 2019.

1.  « Le capitalisme a-t-il un avenir ? », Immanuel Wallerstein, Randall Collins, Craig Calhoun, Michael Mann, Georgi Derluguian 
Dans cet important ouvrage collectif, cinq grands intellectuels dressent un panorama de l’état du monde et débattent de leur analyse et des réponses à apporter pour réfléchir à notre époque. Il s’agit d’une analyse très pertinente des grandes tendances souvent négligées qui illustrent les limites de l’expansion du « système mondial » capitaliste. 

2.“Beating the Odds: Jump-Starting Developing Countries”, Célestin Monga et Justin Yifu Lin
Après les échecs des politiques du consensus de Washington, cet ouvrage est une illustration de la façon dont des processus de croissance économique rapide peuvent se produire dans des pays où il y a un manque de conditions préalables essentielles comme de bonnes infrastructures et institutions.

3. « The End of power », Moises Naim      
Comment la décadence du pouvoir change le monde et apporte « notre vulnérabilité accrue aux mauvaises idées et aux mauvais dirigeants ». Dans ce livre fascinant, l’auteur affirme de façon plus provocante que le pouvoir est en déclin. Il met l’accent sur la capacité de plus en plus faible des grandes organisations – ministères, entreprises, armées, églises, fondations éducatives et philanthropiques – à obtenir ce qu’elles veulent.       

4. « L’homme inutile (du bon usage de l’économie) », Pierre-Noël Giraud 
Ou comment faire bon usage de l’économie en démantelant les mécanismes de l’inutilité, qui est « la pire forme d’inégalité » car il y a de plus en plus d’hommes au chômage réduits à l’inutilité pour eux-mêmes et pour les autres. En questionnant l’économie, la mondialisation et les politiques publiques, ce professeur d’économie propose une réflexion sur l’écart croissant des revenus à l’intérieur d’un pays et les solutions pour résoudre le problème de l’inutilité qui exclut les chômeurs, les personnes précaires ou mal logées. L’auteur propose également de mesurer l’efficacité des politiques publiques dans la lutte contre l’inutilité.

5. Africapolis
Produite par le Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest de l’OCDE, Africapolis.org est la seule base de données géospatiales complète et standardisée consacrée aux villes et aux dynamiques d’urbanisation en Afrique. Elle est conçue pour permettre des analyses comparatives et à long terme des dynamiques urbaines – couvrant 7 500 agglomérations dans 50 pays. Les données d’Africapolis sont basées sur un vaste répertoire de recensements de l’habitat et de la population, de registres électoraux et d’autres sources officielles de population, dont certaines remontent au début du XXe siècle. La régularité, le niveau de détail et la fiabilité de ces sources varient d’un pays à l’autre et d’une période à l’autre.

Pourquoi la structuration des grands projets d’infrastructures en Afrique est-elle une priorité ?

Financer l’amont des projets, bâtir des partenariats entre les opérateurs publics et privés,
l’AUDA-NEPAD accélère ses efforts pour faire progresser le développement du continent.

Depuis le Sommet de Dakar sur le financement en juin 2014 et l’appel du président Macky Sall pour faire avancer les projets à fort impact à travers le continent, notamment ceux de corridors intégrés à dimension régionale, des projets nationaux et transnationaux ambitieux sont présentés chaque année. Les derniers chiffres publiés par le Consortium pour les infrastructures en Afrique (ICA) en 2018, le niveau des engagements en matière d’infrastructures africaines a dépassé pour la première fois, les 100 milliards de dollars pour atteindre 100,8 milliards de dollars, en augmentation de 24% par rapport à 2017. Les gouvernements africains ont été la principale source de financement des infrastructures, avec 37,5 milliards de dollars (37% du total des engagements), suivis par la Chine, qui a engagé 25,7 milliards de dollars (25%). Pour sa part, le secteur privé n’a participé qu’à hauteur de 11,8 millions de dollars soit 12% de l’ensemble. Étant donné le potentiel élevé d’investissement du secteur privé dans le domaine des génisses, nous devons concentrer nos efforts sur la structuration de l’infrastructure pour répondre aux besoins d’investissement.

Le temps nécessaire à l’élaboration et à la structuration des projets d’infrastructure est long, dans le meilleur des cas, il faut généralement compter entre 3 et 7 ans avant de les clôturer sur le plan financier. De plus, selon un rapport du Forum Okan / CEO Forum, 83% des partenariats public-privé africains sont abandonnés, non pas par manque de financement, mais parce qu’ils sont mal conçus ou non commercialement viables. Les coûts de développement des projets d’infrastructure de grande envergure en PPP peuvent représenter de 5 à 10 % de l’investissement total du projet.

Pour éviter ces pertes de temps et d’argent, l’AUDA-NEPAD et ses partenaires ont développé une série d’outils pour soutenir la préparation et le financement en amont des projets d’infrastructures régionales et nationales de l’Afrique afin de permettre une définition et une structuration plus efficaces, adaptées aux besoins des investisseurs. Des mécanismes de financement connexes sont nécessaires pour couvrir les coûts de développement des projets, y compris la gestion des projets, les conseils en matière de transactions, les études techniques (préfaisabilité, ingénierie, faisabilité, développement socioéconomique, environnement), les plans d’affaires, les modèles financiers, etc.

Le niveau élevé des défis techniques, de la complexité des environnements différents à la nature transnationale de certains projets d’infrastructure – comme le projet de transmission 330 KV du Noyau de Niort traversant quatre pays (Nigeria, Niger, Bénin, Burkina Faso) – nécessite un très haut niveau d’expertise et la mobilisation de nombreux opérateurs internationaux, entraînant ainsi des coûts supplémentaires.

Grâce à des mécanismes d’assistance technique spécifiques, tels que le SDM (Service Delivery Mechanism), les études préparatoires pour la construction du tronçon de 1 000 km entre Abidjan et Lagos ont mobilisé un cofinancement de 22,7 millions $US de la BAD et de l’Union européenne. Une équipe d’experts a travaillé pendant 18 mois pendant la phase préparatoire à Lagos pour permettre la mise en place du corridor Abidjan-Lagos. Ce projet a conduit, au sein de la CEDEAO, à la signature d’un traité multilatéral entre les chefs d’État et de gouvernement du Bénin, de la Côte d’Ivoire, du Ghana, du Nigeria et du Togo, créant une autorité supranationale, l’Autorité de gestion du corridor Abidjan-Lagos (ALCoMA), une première africaine. L’ALCoMA facilitera la gestion et la coordination de l’ensemble du cycle du projet, de la préparation à la construction, y compris l’exploitation et la maintenance.

Le mégaprojet LAPSSET en Afrique de l’Est, dont le coût total est estimé à 25 milliards de dollars, est un exemple d’initiative gouvernementale importante visant à établir des partenariats transnationaux entre les institutions publiques et privées, dans la même logique d’intégration et d’inclusion. Parmi les projets en cours de réalisation, on peut citer le port de Lamu au Kenya, une ligne de chemin de fer à écartement normal reliant Djouba au Sud-Soudan et Addis-Abeba en Éthiopie, la construction d’un large réseau routier, deux oléoducs au Sud-Soudan et en Éthiopie, une raffinerie de pétrole à Bargoni au Kenya, trois aéroports, etc. Cette série ambitieuse de projets implique un échantillon représentatif d’investisseurs nationaux et internationaux, tant en dette qu’en fonds propres.

Afin de faciliter et d’approfondir le dialogue public-privé nécessaire pour lever l’un des principaux obstacles au développement des infrastructures sur le continent – l’absence de prise en compte des contraintes du secteur privé dans la mise en œuvre des grands projets – le Réseau commercial continental (CBN) a été lancé en marge du Forum économique mondial au Cap, Afrique du Sud, en juin 2015. Les dirigeants du secteur privé sont systématiquement invités à partager leurs conseils et leurs capacités en ordonnance pour faire avancer les projets d’infrastructures critiques conseillés par l’AUDA-NEPAD.

Il est essentiel que nous travaillions activement afin de combler nos lacunes en matière d’infrastructures – en abordant la question plus large des approches intégrées du développement des infrastructures tout en établissant des partenariats avec les principales parties prenantes : le secteur privé, les investisseurs institutionnels, les gouvernements africains et les partenaires de développement volontaristes.

Nous devons nous engager ensemble dans le cadre de collaborations entre les secteurs public et privé afin de poursuivre le développement d’initiatives telles que l’Agenda de 5 % pour mobiliser les fonds des fonds de pension africains et le Mécanisme de garantie pour les infrastructures en Afrique afin d’élargir les garanties, créant les conditions favorables nécessaires pour attirer davantage de capitaux privés vers les infrastructures africaines.

Mon message lors de la conférence « Repenser le développement en Afrique » à l’Université de Columbia | SIPA

Le 27 septembre 2019, j’ai eu l’occasion de partager mon opinion et ma vision sur les grands enjeux qui animeront le débat sur le développement de l’Afrique à l’occasion d’une conférence organisée par Columbia University School of International and Public Affairs sous le thème : « Repenser le développement en Afrique ».

J’ai pu aborder les sujets suivants : les transitions de l’Afrique par rapport aux politiques ; la gouvernance par rapport aux politiques ; les incertitudes mondiales par rapport aux incertitudes de l’Afrique ; et les réflexions sur la façon de repenser le développement.

Il n’est pas prudent de continuer à considérer le « développement » dans les paradigmes traditionnels, considérant que le « développement » lui-même exige une nouvelle réflexion pour qu’une véritable transformation puisse avoir lieu, compte tenu des conditions actuelles.

En effet, les transitions critiques qui ont lieu sur le continent incluent les transitions démographiques, technologiques, naturelles, les changements climatiques, les systèmes de gouvernance ainsi que les transitions du développement humain. Aucune de ces transitions ne peut être traitée indépendamment et, de plus, les transitions rendent la tâche difficile aux jeunes de l’espace du développement, qui ont déjà une perception négative de l’action des responsables politiques. Par conséquent, les décideurs doivent bien comprendre ces transitions et s’y préparer adéquatement.

Les relations de pouvoir ont fondamentalement changé, ce qui signifie que les systèmes de gouvernance sont inadéquats. Par conséquent, l’inadéquation des systèmes de gouvernance rend le pouvoir non pertinent, comme cela a été démontré récemment dans plusieurs pays du continent.  Il y a donc un glissement du pouvoir du pouvoir centralisé vers des systèmes de gouvernance plus locaux et des communautés locales.

En outre, la gouvernance pourrait renforcer sa crédibilité grâce à des formes de gouvernance renouvelées et novatrices, comme c’est le cas d’un pays comme le Botswana, où l’inclusivité est un trait fort de son système de gouvernance. L’inclusion est donc un élément absolu et essentiel pour repenser le développement, contrairement à ce qui était le cas il y a des années.

En ce qui concerne les incertitudes mondiales et de l’Afrique, il a été observé que l’aide, qui était une composante importante des programmes de développement de l’Afrique, est en train de disparaître, le rôle du système multilatéral étant remis en question. En outre, un programme sur le développement durable mondial qui doit être appliqué par tous les pays montre que l’Afrique est à la traîne.

Cependant, l’Afrique s’intéresse maintenant à ses propres marchés régionaux et intérieurs par le biais de la Zone de libre-échange continentale africaine, ce qui signifie que même en cette période d’incertitude mondiale, l’Afrique a une grande chance à saisir. La fragmentation des pays africains nécessite que le continent mette en œuvre des solutions régionales aux défis nationaux et le renforcement des marchés régionaux et intérieurs pour restaurer la crédibilité des gouvernements nationaux.

Parmi les incertitudes de l’Afrique, on peut citer le fait qu’au cours des huit prochaines années environ, la plupart des présidents africains en exercice ne seront plus là, ouvrant ainsi la voie à de nouveaux dirigeants qui sortiront des processus démocratiques. Les jeunes auront donc un rôle plus important à jouer dans les nouvelles administrations politiques du continent. Cependant, l’incertitude est de savoir si les nouveaux dirigeants émergeront de bases démocratiques solides ou de solutions populistes, ou même s’ils sortiront d’un nombre croissant de scénarios contradictoires.

En conclusion, j’ai réfléchi à la nécessité de repenser le développement, déclarant que la meilleure façon d’inclure les jeunes dans le cadre de développement de l’Afrique, Action 2063, est de les faire participer à sa conception et à sa mise en œuvre.

Un changement de paradigme est nécessaire dans la coproduction des politiques publiques. L’Afrique devra réinventer ses systèmes de gouvernance en responsabilisant les communautés locales et en mettant en œuvre des solutions régionales. Et la façon dont les gens s’identifient à la politique de développement, c’est la mesure dans laquelle ils sentent que leur dignité est respectée. De plus, repenser le développement, c’est aussi repenser les systèmes de justice.

Belinda Archibong, Professeure adjointe d’Économie à l’Université Columbia, intervenante à cette occasion, a déclaré que l’Afrique n’a pas vraiment besoin de développer l’aide, mais davantage le commerce. Elle a également noté qu’un autre domaine critique est celui de la réduction de l’écart de participation des jeunes dans les systèmes de gouvernance.

Akbar Noman, Professeur associé en Affaires internationales et publiques à l’Université de Columbia, également intervenant, a déclaré : « L’importance des transitions soulignées par le Dr Mayaki, en particulier celle sur la démographie, qui projette ce dont aura besoin la main-d’œuvre et ses liens avec le changement climatique, est importante pour répondre à la question de la création d’emplois.

Retrouvez l’intégralité de la conférence « Repenser le développement en Afrique » en vidéo, à l’Université de Columbia | SIPA le vendredi 27 septembre à New York. 

Le réchauffement climatique au cœur des préoccupations de l’agence de développement de l’Union africaine

L’AUDA-NEPAD inscrit la lutte contre le réchauffement climatique dans une perspective globale de développement économique du continent.

Le dernier Sommet sur le climat des Nations Unies a mis en exergue les différences d’approche entre les pays pollueurs, les grandes puissances industrielles et les pays qui en subissent les conséquences, notamment ceux africains. L’AUDA-NEPAD, porte dans son ADN cette dimension environnementale.

Depuis sa création, nous n’avons eu de cesse d’intégrer dans chacun de nos programmes, la durabilité et la protection de notre biodiversité. Depuis octobre 2001, avec le lancement de l’Initiative Environnement, ont été mis en place des dispositifs de lutte contre le réchauffement climatique, tels que la lutte contre la dégradation des sols, la conservation des zones humides, la conservation et l’utilisation durables des ressources marines et côtières, ou encore la conservation et la gestion transfrontalières des ressources naturelles.

L’AUDA-NEPAD s’engage dans la mise en œuvre de l’Agenda 2063, qui à l’échelle du continent, pose un cadre stratégique commun pour promouvoir une croissance inclusive et soutenir un développement durable. Nous n’attendrons pas 50 ans pour agir. La première échéance est ainsi fixée à 2023.

« Cette illustration des objectifs à atteindre en 2023 montre la volonté de l’Union africaine de construire des économies et des communautés durables sur le plan environnemental et résilientes au climat, comme le préconise l’objectif 7 de l’Agenda 2063. »

La protection de la biodiversité, la conservation et la gestion durable des ressources naturelles, la sécurité en eau, les énergies renouvelables : pour chacun de ces enjeux, des propositions fortes ont été arrêté, permettant aux états d’élaborer une feuille de route claire et chiffrée. Concrètement, à échéance 2023, la part des terres exploitées de manière éco-durable devra atteindre au moins 30% de l’ensemble. Désormais dans les négociations, les ressources naturelles transfrontalières devront être intégrées comme un capital naturel. La sécurité en eau passe par une meilleure gestion de l’eau de pluie et de l’irrigation avec notamment la promotion de l’utilisation des eaux usées recyclées à des fins agricoles ou industrielles. Par ailleurs, nous soutiendrons toutes les actions en faveur de la réduction de la part des combustibles fossiles dans la production totale d’énergie pour ramener celle-ci à moins 20% et d’augmenter d’au moins 10% la part des énergies renouvelables dans la production totale d’énergie.

Cette illustration des objectifs à atteindre en 2023 montre la volonté de l’Union africaine de construire des économies et des communautés durables sur le plan environnemental et résilientes au climat, comme le préconise l’objectif 7 de l’Agenda 2063.

Pour soutenir ces initiatives, l’ensemble des mécanismes de financement publics et privés sera mis à contribution. Au niveau national, entre 75% à 90% du financement de l’Agenda 2063 se fera par la mobilisation des ressources domestiques. Au niveau continental, dès à présent, la Banque africaine de développement a annoncé le doublement du montant de ses engagements financiers en faveur de l’action climatique, portant sa contribution à 25 milliards de dollars entre 2020 et 2025.

Les dépenses consacrées aux mesures d’adaptation aux changements climatiques ne se font pas à fonds perdu. Selon le dernier rapport de la Commission mondiale sur l’adaptation des Nations Unies, investir 1,8 milliard de dollars dans ces mesures pourrait générer 7,1 milliards de dollars d’avantages entre 2020 et 2030. Les Nations Unies confirment ainsi que l’antagonisme entre développement économique et lutte contre le réchauffement climatique ne se justifie plus économiquement.

Dans cette perspective, l’Agence de développement de l’Union africaine poursuit ses efforts en continuant d’innover dans les secteurs stratégiques générateurs de croissance tout en prenant ses responsabilités face aux défis mondiaux d’atténuation des effets du réchauffement climatique et d’adaptation à ces changements.

L’approche « bottom up » du secteur privé africain fait toute la différence

Les success stories africaines dans privé se multiplient, plus inspirantes les unes que les autres. Un fait frappant explique certains succès fulgurants, qu’il s’agisse de start-ups, de sociétés de télécommunications ou de banques : une approche bottom up, qui part des réalités du terrain pour concevoir des solutions adaptées aux besoins, du plus local au plus global. Et non l’inverse, qui consiste à plaquer des biens ou services importés sans les adapter à la demande.

En effet, un objet tel que le rasoir a la même utilité partout dans le monde. Mais la façon dont il sera vendu va tout changer en Afrique, où il faut tenir compte du rythme des transactions et des échéances, qui ne sont pas nécessairement mensuelles comme en Europe. La logique est plutôt celle de la « dépense quotidienne », la fameuse « DQ »* comme on l’appelle au Sénégal. Cette DQ fait que le pouvoir d’achat s’ajuste au jour le jour à des produits vendus au détail. Voilà pourquoi un sachet de 10 rasoirs a moins de chances d’être acheté que chaque pièce à l’unité.

Dans d’autres domaines, l’ajustement au marché débouche sur des produits parfaitement innovants à l’échelle globale, comme on l’a vu avec M-Pesa, le porte-monnaie électronique qui a permis à l’opérateur de réseau mobile Kenyan d’être mondialement connu. Ce faisant, la solution inventée au Kenya a été reprise dans une grande partie du continent. Elle fait partie du quotidien des Camerounais comme des Malgaches, sans oublier les diasporas africaines qui envoient de l’argent vers leurs familles restées au pays. Comme l’indique le dernier rapport de l’Association des opérateurs GSM (GSMA) sur l’économie numérique en Afrique subsaharienne, le continent abrite près de la moitié des comptes actifs d’argent mobile dans le monde.

La micro-finance et la méso-finance permettent aux sociétés de telecommunications et aux banques de se réinventer, comme on le voit au Sénégal et au Zimbabwe, avec les exemples respectifs de Wari et Econet Wireless. La grande leçon de ces succès est qu’il ne faut pas sous-estimer le potentiel du secteur informel, un terme qui en lui-même a une connotation péjorative, alors qu’il est synonyme d’un dynamisme remarquable.

Ces initiatives participent à une intégration régionale ad hoc, qui se réalise chaque jour sur le plan économique. Une société de commerce en ligne fondée au Nigeria et qui s’est ensuite étendue à d’autres pays a fait cette année les gros titres en raison de sa cotation en bourse à New York. En amont, bien d’autres groupes privés africains font progresser les infrastructures de télécommunications. Des dizaines de milliers de kilomètres de câbles à fibre optique sont ainsi posés à travers le continent, pour relier les pays entre eux, dans une vision qui ne se soucie guère des frontières linguistiques ou culturelles, mais table sur une demande qui ne peut être qu’exponentielle.

Le taux d’accès à Internet, qui se situe à 23 % en Afrique subsaharienne en 2017 selon les chiffres de la Banque mondiale, devrait bondir à 39 % d’ici 2025 selon le rapport du GSMA. L’élargissement de cet accès ne fait pas seulement de l’Afrique une nouvelle frontière de la croissance globale. Il figure aussi parmi les Objectifs du développement durable (ODD), et nourrit bien des espoirs d’essor plus rapide grâce au digital.

Le secteur privé est actuellement le principal pourvoyeur d’emplois sur le continent. L’étendue de ces succès dans ce secteur doit être appréciée à sa juste valeur par les décideurs publics et la grande leçon à tirer du secteur privé africain, pour les responsables politiques en Afrique, tient en ces quelques mots : partir du terrain pour identifier les besoins. Il n’y a pas forcément besoin d’appeler à l’aide, mais d’envisager les actions d’une manière durable, en pensant aux générations futures. Il n’y a que du profit à en tirer, à tout point de vue.

DQ : dépenses quotidiennes