Se donner une chance pour réussir la ZLECAf

L’AUDA-NEPAD et Frederick S. Pardee Center for International Futures (Université de Denver) ont publié conjointement une étude sur les conditions de réussite dans la mise en œuvre de l’Accord de libre-échange continentale africaine. En voici les principaux enseignements.

Depuis la création de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), entérinée lors du sommet de l’Union Africaine à Niamey, le 7 juillet 2019, nous n’avons de cesse de faire avancer l’idée qu’un marché commun pour et par les Africains est possible pour ainsi créer un marché unique des biens et des services afin de faciliter la libre circulation des personnes et des investissements, et jeter les bases d’une union douanière continentale. Nous continuons à promouvoir auprès des chefs de gouvernement cette intégration économique, privilégiant le partage des bénéfices économiques aux rivalités historiques et aux gains relatifs.

Cette étude s’inscrit dans cette démarche. Elle permet de mettre à plat l’ensemble des défis locaux et internationaux susceptibles d’accroître ou d’entraver la mise en œuvre de l’Accord. Elle éclaire ainsi les décideurs africains en mettant à leur disposition des données chiffrées objectives pour les aiguiller dans leur prise de décision. Car la condition préalable à la mise en œuvre de la ZLECAf reste la volonté politique de faire progresser les relations commerciales intracontinentales. Il s’agira alors pour les parties prenantes de coordonner et d’harmoniser les politiques commerciales aux niveaux national, régional, continental et mondial.

Repenser les sources de recettes publiques
La ZLECAf appelle à la suppression de 90 % des droits de douane sur le commerce intra-africain ce qui, pour certains pays tributaires de ces taxes, pourrait représenter une baisse des recettes publique et donc un obstacle à la réussite de l’Accord. Or, selon les données tirées de l’étude, les tarifs douaniers intra-africains sont faibles par rapport aux tarifs entre l’Afrique et le reste du monde. Environ 1,5 % du PIB africain soit 37 milliards de dollars provient des droits de douane sur les importations en provenance du reste du monde. Par comparaison, les recettes tarifaires du commerce intra-africain ne représentent que 0,1 % du PIB africain en 2015 soit 3,5 milliards de dollars. Aussi, la mise en œuvre de la ZLECAf aura un effet négatif limité sur les recettes publiques au niveau du continent.

« Les conditions du succès de la ZLECAf passent aussi par la réduction des obstacles non tarifaires au commerce, comme la mauvaise gouvernance, le manque d’infrastructure et les passages de frontières, et la prévalence du commerce informel. »

Faire monter en compétences et soutenir les États les plus fragiles
Au-delà des droits de douane, c’est l’ensemble du système d’imposition qu’il faudra harmoniser, notamment la TVA. Nombre de pays sont en incapacité de gérer ces nouvelles normes. Une formation rigoureuse des fonctionnaires de l’union douanière et le renforcement des capacités de chaque État membre sont indispensables. Pour les États les moins avancés, une aide plus directe sous forme de sessions de formation, d’aide économique et de développement institutionnel guidé devra être fournie par la ZLECAf et les organisations partenaires (Assemblée de l’Union africaine, douzième session extraordinaire, 2019). L’étude insiste sur le fait que la réussite du contrôle de la TVA dépendra de la réduction des niveaux de corruption associés aux impôts sur les recettes parmi les élites gouvernementales.

S’attaquer aux obstacles non tarifaires
Les conditions du succès de la ZLECAf passent aussi par la réduction des obstacles non tarifaires au commerce, comme la mauvaise gouvernance, le manque d’infrastructure et les passages de frontières, et la prévalence du commerce informel ; par la diversification des exportations pour le commerce intra-africain, notamment par l’augmentation de la production manufacturière locale ; par le renforcement de la surveillance des flux transfrontaliers de biens et de services.

Réduire les coûts consécutifs à la ZLECAf
Pour atténuer les tensions dans le cadre de la ZLECAf, l’étude préconise de créer un mécanisme de règlement des différends pour résoudre les questions qui se posent entre les États membres. Elle propose également de réfléchir à un Fonds de développement de l’Union africaine qui pourrait soutenir les pays qui connaissent des bouleversements sociaux en raison d’une plus grande ouverture commerciale en investissant dans le capital humain, les infrastructures et l’amélioration de la gouvernance.

Ainsi, la levée de tous ces obstacles au commerce, la bonne gouvernance et le développement des infrastructures, y compris les technologies de l’information et de la communication, sont des conditions incontournables de réussite de la ZLECAF. Dans cette optique, l’AUDA-NEPAD s’assurera que toutes les ressources soient mobilisées pour que les États signataires puissent de faire de cet immense projet, une réelle opportunité de croissance pour tous les Africains.

Pour consulter le rapport

Redonnons sens au collectif

À la veille du 33ème Sommet de l’Union africaine qui se déroulera les 9 et 10 février prochains en présence de tous les États du continent, il est essentiel de rappeler les liens qui nous unissent. Réinvestir nos territoires, renforcer nos régions économiques, abolir les frontières douanières, nous émanciper des contraintes extérieures sont autant d’éléments pour qui nous permettrons de retrouver du sens à nos actions et de stimuler notre capacité à nous rassembler autour de valeurs communes. 

Un changement de paradigme est indispensable

La nouvelle décennie qui s’ouvre porte l’espoir d’un changement de paradigme si nous respectons ce que nous prônons. Notre continent, dont la jeunesse et le dynamisme sont les vraies richesses, devra répondre aux attentes fortes de justice sociale et d’équité dans la répartition des richesses d’une population de plus en plus intégrée autour d’une conception mondialisée de la vie économique et politique. Nous n’avons d’autre choix que de repenser notre rapport à nous-mêmes et au reste du monde. Pour cela, dès à présent nous avons cherché à inclure et fait participer notre jeunesse dans la conception et à la mise en œuvre de l’Agenda 2063, notre vision continentale de transformation socio-économique.

Jouer collectif

Depuis sa récente création, l’Agence de développement de l’Union africaine (AUDA-NEPAD) promeut l’intégration économique régionale, les projets transfrontaliers et vise à renforcer sa coopération avec les communautés économiques régionales. La mise en route des grands projets prioritaires du PIDA – les corridors Nord-Sud ou Abidjan-Dakar, le corridor côtier Abidjan-Lagos, les lignes ferroviaires Dakar – Bamako, la ligne de Transmission Zambie – Tanzanie – Kenya (ZTK) et tant d’autres réalisations – est la concrétisation de notre désir de faire ensemble. Désormais, la marche de l’intégration régionale va dans le sens d’un continent interconnecté, dépassant évidemment les frontières.

« C’est aussi une opportunité pour les acteurs politiques et économiques africains de viser des consensus démocratiques et d’adopter une position commune dans les négociations internationales. »

Faire face au changement climatique

Inscrites dans l’Agenda 2063, la protection de la biodiversité, la conservation et la gestion durable des ressources naturelles, la sécurité en eau, les énergies renouvelables représentent des choix stratégiques critiques. En effet, il n’y a pas de croissance durable sans inclusion et cela encore plus vrai dans les années à venir. L’urgence de relever les défis posés par le changement climatique impose une double démarche : atténuer les causes et s’adapter aux conséquences. D’où la nécessité de miser sur un développement à plus forte valeur écologique possible. Cela implique de planifier différemment et de mettre en application des mesures concrètes d’adaptation, et de mettre en application des mesures concrètes d’adaptation, DE renforcer la résilience, de revoir nos systèmes alimentaires, d’adopter des économies vertes résistantes au changement du climat, d’améliorer la veille climatologique et météorologique… C’est aussi une opportunité pour les acteurs politiques et économiques africains de viser des consensus démocratiques et d’adopter une position commune dans les négociations internationales.

Faire tomber les frontières pour une libre circulation des personnes

Sauf à nier l’évidence, les déplacements de population répondent à un besoin de survie, et de sécurité. Entraver ce mouvement, c’est courir le risque de voir des populations pauvres captives d’un cercle vicieux d’appauvrissement et les zones les plus dynamiques privées de force de travail. Repenser nos frontières pour autoriser une libre circulation. Nous devons travailler à rendre cela possible et dans les meilleures conditions.

Dans cette optique, des étapes importantes ont été franchies concernant deux des objectifs clés de l’Agenda 2063 : la création d’une zone de libre-échange à l’échelle continentale, ZLEC et celle d’un marché unique du transport aérien (SAATM – Single African Air Transport Market). En effet, 80% du trafic aérien en Afrique est encore assuré par des compagnies étrangères au continent. Objectif majeur de l’Agenda 2063, le SAATM a été lancé le 28 janvier 2018 par la Commission de l’UA. La libéralisation de l’accès au marché entre États africains, le libre exercice des droits de trafic et la libéralisation des fréquences doit permettre de contribuer à l’intégration et à la croissance socio-économique du continent. Pour ce qui est de la ZLEC, mise en route en mars 2018, une fois en vigueur, elle sera la plus grande zone commerciale du monde, devant théoriquement augmenter le commerce intra-africain de 52% d’ici 2022, supprimant les droits de douane sur 90% des marchandises. Libérons nos espaces sur terre ou dans les airs. Ceci est un défi.

Nous sommes désormais à la croisée des chemins. Nous n’avons jamais collectivement été aussi conscients de nos ressources matérielles et immatérielles, de nos forces, de notre place à créer dans ce monde incertain. Dans le même temps, ces incertitudes face aux grands changements démographiques, climatiques, politiques ou économiques s’accélèrent. À l’orée de cette nouvelle décennie, notre responsabilité en tant que citoyens est de veiller à ce que les espoirs de notre jeunesse et les rêves des leaders fondateurs ne soient pas vains.

Pourquoi la structuration des grands projets d’infrastructures en Afrique est-elle une priorité ?

Financer l’amont des projets, bâtir des partenariats entre les opérateurs publics et privés,
l’AUDA-NEPAD accélère ses efforts pour faire progresser le développement du continent.

Depuis le Sommet de Dakar sur le financement en juin 2014 et l’appel du président Macky Sall pour faire avancer les projets à fort impact à travers le continent, notamment ceux de corridors intégrés à dimension régionale, des projets nationaux et transnationaux ambitieux sont présentés chaque année. Les derniers chiffres publiés par le Consortium pour les infrastructures en Afrique (ICA) en 2018, le niveau des engagements en matière d’infrastructures africaines a dépassé pour la première fois, les 100 milliards de dollars pour atteindre 100,8 milliards de dollars, en augmentation de 24% par rapport à 2017. Les gouvernements africains ont été la principale source de financement des infrastructures, avec 37,5 milliards de dollars (37% du total des engagements), suivis par la Chine, qui a engagé 25,7 milliards de dollars (25%). Pour sa part, le secteur privé n’a participé qu’à hauteur de 11,8 millions de dollars soit 12% de l’ensemble. Étant donné le potentiel élevé d’investissement du secteur privé dans le domaine des génisses, nous devons concentrer nos efforts sur la structuration de l’infrastructure pour répondre aux besoins d’investissement.

Le temps nécessaire à l’élaboration et à la structuration des projets d’infrastructure est long, dans le meilleur des cas, il faut généralement compter entre 3 et 7 ans avant de les clôturer sur le plan financier. De plus, selon un rapport du Forum Okan / CEO Forum, 83% des partenariats public-privé africains sont abandonnés, non pas par manque de financement, mais parce qu’ils sont mal conçus ou non commercialement viables. Les coûts de développement des projets d’infrastructure de grande envergure en PPP peuvent représenter de 5 à 10 % de l’investissement total du projet.

Pour éviter ces pertes de temps et d’argent, l’AUDA-NEPAD et ses partenaires ont développé une série d’outils pour soutenir la préparation et le financement en amont des projets d’infrastructures régionales et nationales de l’Afrique afin de permettre une définition et une structuration plus efficaces, adaptées aux besoins des investisseurs. Des mécanismes de financement connexes sont nécessaires pour couvrir les coûts de développement des projets, y compris la gestion des projets, les conseils en matière de transactions, les études techniques (préfaisabilité, ingénierie, faisabilité, développement socioéconomique, environnement), les plans d’affaires, les modèles financiers, etc.

Le niveau élevé des défis techniques, de la complexité des environnements différents à la nature transnationale de certains projets d’infrastructure – comme le projet de transmission 330 KV du Noyau de Niort traversant quatre pays (Nigeria, Niger, Bénin, Burkina Faso) – nécessite un très haut niveau d’expertise et la mobilisation de nombreux opérateurs internationaux, entraînant ainsi des coûts supplémentaires.

Grâce à des mécanismes d’assistance technique spécifiques, tels que le SDM (Service Delivery Mechanism), les études préparatoires pour la construction du tronçon de 1 000 km entre Abidjan et Lagos ont mobilisé un cofinancement de 22,7 millions $US de la BAD et de l’Union européenne. Une équipe d’experts a travaillé pendant 18 mois pendant la phase préparatoire à Lagos pour permettre la mise en place du corridor Abidjan-Lagos. Ce projet a conduit, au sein de la CEDEAO, à la signature d’un traité multilatéral entre les chefs d’État et de gouvernement du Bénin, de la Côte d’Ivoire, du Ghana, du Nigeria et du Togo, créant une autorité supranationale, l’Autorité de gestion du corridor Abidjan-Lagos (ALCoMA), une première africaine. L’ALCoMA facilitera la gestion et la coordination de l’ensemble du cycle du projet, de la préparation à la construction, y compris l’exploitation et la maintenance.

Le mégaprojet LAPSSET en Afrique de l’Est, dont le coût total est estimé à 25 milliards de dollars, est un exemple d’initiative gouvernementale importante visant à établir des partenariats transnationaux entre les institutions publiques et privées, dans la même logique d’intégration et d’inclusion. Parmi les projets en cours de réalisation, on peut citer le port de Lamu au Kenya, une ligne de chemin de fer à écartement normal reliant Djouba au Sud-Soudan et Addis-Abeba en Éthiopie, la construction d’un large réseau routier, deux oléoducs au Sud-Soudan et en Éthiopie, une raffinerie de pétrole à Bargoni au Kenya, trois aéroports, etc. Cette série ambitieuse de projets implique un échantillon représentatif d’investisseurs nationaux et internationaux, tant en dette qu’en fonds propres.

Afin de faciliter et d’approfondir le dialogue public-privé nécessaire pour lever l’un des principaux obstacles au développement des infrastructures sur le continent – l’absence de prise en compte des contraintes du secteur privé dans la mise en œuvre des grands projets – le Réseau commercial continental (CBN) a été lancé en marge du Forum économique mondial au Cap, Afrique du Sud, en juin 2015. Les dirigeants du secteur privé sont systématiquement invités à partager leurs conseils et leurs capacités en ordonnance pour faire avancer les projets d’infrastructures critiques conseillés par l’AUDA-NEPAD.

Il est essentiel que nous travaillions activement afin de combler nos lacunes en matière d’infrastructures – en abordant la question plus large des approches intégrées du développement des infrastructures tout en établissant des partenariats avec les principales parties prenantes : le secteur privé, les investisseurs institutionnels, les gouvernements africains et les partenaires de développement volontaristes.

Nous devons nous engager ensemble dans le cadre de collaborations entre les secteurs public et privé afin de poursuivre le développement d’initiatives telles que l’Agenda de 5 % pour mobiliser les fonds des fonds de pension africains et le Mécanisme de garantie pour les infrastructures en Afrique afin d’élargir les garanties, créant les conditions favorables nécessaires pour attirer davantage de capitaux privés vers les infrastructures africaines.

Hausse des IDE en Afrique : la prime à l’intégration régionale

Le dernier rapport de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) sur les investissements dans le monde confirme l’attractivité retrouvée de l’Afrique en 2018. Alors que les investissements directs à l’étranger (IDE) ont chuté de 13% à l’échelle mondiale l’année dernière, ceux à destination du continent africain ont bondi de 11%. Dans un contexte économique mondial morose, troublé par la menace d’une escalade de la guerre commerciale États-Unis/Chine, l’Afrique échappe à la tempête protectionniste en continuant à capter une part croissante des investissements.

Il est tentant de se concentrer sur l’arbre qui cache la forêt, en se réjouissant de ce chiffre en hausse. Il faut pourtant rappeler que l’Afrique continue de capter une part infime des IDE dans le monde, seulement 3,5%, soit 45,9 milliards de dollars. À titre de comparaison, l’Inde seule a reçu en 2018 près de 42,3 milliards de dollars d’IDE. En 2018, les IDE en Afrique sont restés toujours inférieurs au niveau des années 2014-2015, suite à la chute des cours des matières premières. Les ressources naturelles restent par ailleurs le principal vecteur d’investissement sur notre continent – permettant par exemple à la République du Congo de se hisser à la 3e place du classement africain grâce aux investissements dans l’exploration et la production pétrolière – avec quelques exceptions dans certaines économies plus diversifiées.

« l’Afrique renforce son intégration dans le cadre d’un projet économique et politique commun »

Plusieurs facteurs peuvent contribuer à une hausse des IDE en 2019 : l’hypothèse de la stabilité des cours des matières premières, voire une hausse de certaines d’entre elles dont l’Afrique est riche ; un investissement accru des États-Unis sur le continent africain voulant rivaliser avec la Chine, avec la création notamment de l’U.S. International Development Finance Corporation (USIDFC) qui devrait pouvoir mobiliser 60 milliards essentiellement à destination du continent africain ; la ratification de l’Accord sur la zone de libre-échange continentale africaine qui renforce l’attractivité du continent en tant que vaste espace économique en cours d’intégration.

Alors que les ensembles régionaux sont pour la plupart fragilisés par des tensions internes – même l’Union européenne ne peut plus faire guise de modèle avec le Brexit et la montée des populismes – seule l’Afrique renforce son intégration dans le cadre d’un projet économique et politique commun. Le 30 mai dernier, la ZLECAf est officiellement entrée en vigueur, posant les jalons d’un marché unique de 1,2 milliard d’habitants au PIB estimé à 2 500 milliards de dollars. En parallèle, l’environnement des affaires continue de s’améliorer sur le continent, facilitant les investissements et soutenant le développement des petites et moyennes entreprises. Au classement Doing Business 2019, l’Afrique brille par le nombre de réformes menées, même dans des pays fragilisés par des conflits.

Néanmoins, s’il est vrai que les États africains doivent continuer à améliorer leur attractivité vis-à-vis des investisseurs étrangers, une des priorités doit rester la mobilisation de nos ressources domestiques. Ce ne sont pas les IDE qui amèneront une transformation structurelle de nos économies. Le ratio moyen impôts – PIB du continent africain reste faible comparé au ratio moyen des pays de l’OCDE et des autres régions du monde. Cette perte de revenue est plus que dommageable pour les politiques de développement alors que la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique estime que notre continent pourrait gagner 99 milliards de dollars par an en adoptant de meilleures politiques fiscales.

Notre défi n’est pas sans difficultés pour émerger dans la mondialisation : notre continent mène de front un éventail de réformes sans commune mesure, mais c’est seulement en combinant intégration régionale, amélioration du climat des affaires et diversification de nos économies que nous ferons de l’Afrique une puissance économique qui pèse au niveau mondial.

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À l’heure où les tensions commerciales augmentent à l’échelle mondiale, l’Afrique préfère opter pour l’intégration économique. Le 30 mai 2019 est désormais une date clé pour le continent. La ZLECAf est officiellement entrée en vigueur. Elle pose la première pierre d’un marché unique  de 1,2 milliard d’habitants, au PIB estimé à 2 500 milliards de dollars. Tous n’ont peut-être pas encore signé, certes, mais pas moins de 49 pays, dont l’Afrique du Sud, ont ratifié l’accord du 21 mars 2018. Les biens et services, mais aussi les personnes et les capitaux, vont théoriquement circuler librement à travers les vastes territoires africains. L’Afrique, sur les questions commerciales qui la concernent, va sur la base de cette logique devoir parler d’une seule voix. 

Il était temps ! Le commerce intra-africain, qui plafonne à 12 % de moyenne, contre 60 % pour l’Europe et 30 % en Asie du Sud-Est, regorge d’opportunités encore inexploitées. Diversifier la production, les exportations, créer des chaînes de valeur régionales… Tous ces leviers représentent les pièces de ce qui sera le moteur d’une croissance africaine inclusive. 

Nos économies, on le sait, restent extraverties. Les trois quarts des exportations portent sur des matières premières non transformées, à destination d’autres continents. S’ouvrir les portes à soi-même relève d’une question de bon sens, mais aussi de survie. Rien ne stimulera mieux les manufactures, l’agriculture, les industries agroalimentaires et donc l’emploi que l’ouverture de notre immense marché intérieur. 

Certaines règles, notamment tarifaires, doivent être précisées sur une première liste de produits lors d’une rencontre des experts de l’Union africaine avec les ministres africains du Commerce, prévue en juin à Kampala. Quant à la phase opérationnelle de la ZLECAf, elle sera lancée le 7 juillet, à l’occasion du sommet extraordinaire des chefs d’Etat et de gouvernement de l’UA.

Entendons-nous bien cependant : tout ne reste pas à faire, mais bien à concrétiser. Le projet repose sur un socle déjà solide, le Plan d’action pour stimuler le commerce intra-africain (Action for Boosting Intra-African Trade, BIAT), lancé en 2012 par l’UA. Il s’agit de rendre la ZLECAf opérationnelle en levant au plus vite les contraintes au commerce intra-africain, liées notamment aux règles commerciales, aux infrastructures, au financement, à l’information et l’intégration du marché. Ce plan d’action se décline à court, moyen et long terme par pays, région et à l’échelle de l’Afrique.

N’oublions pas, enfin, que l’Afrique n’est pas isolée du reste du monde. Au contraire. Depuis la création de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), l’économie mondiale a connu deux tendances transversales : l’essor de chaînes de valeur régionales et la négociation d’importants accords commerciaux régionaux – transatlantique, transpacifique ou continentaux, comme l’accord de partenariat unique entre l’ASEAN, la Chine, le Japon et la Corée du Sud. Les dragons asiatiques ont émergé grâce à leur intégration régionale, entre autres. Dans le même élan, le “Made in Africa”, en ébullition, ne demande qu’à se libérer de ses carcans.

Favoriser le régionalisme africain à travers le développement des transports

Chaque année, l’Afrique progresse, lentement mais surement, vers une meilleure intégration politique et économique. De nombreux chantiers sont en cours, à l’image de la mise en place de la zone de libre-échange continentale (ZLEC) ou encore du Single African Air Transport Market. Il faut dire qu’aujourd’hui, le potentiel du commerce intra-africain reste encore sous-exploité, représentant seulement 12% du commerce total de l’Afrique. Et l’une des premières causes de la faiblesse de ses échanges commerciaux intracontinentaux reste des coûts de transport plus élevés que dans d’autres régions.

Dans une récente note de recherche, intitulée « Régionalisme en Afrique : Coûts de transport soft and hard », l’Agence française de développement (AFD) illustre justement l’existence d’un lien de causalité entre le niveau des coûts de transports et les faiblesses du régionalisme en Afrique. Sur le plan tarifaire, les chercheurs estiment que si les pays africains ont effectivement baissé les tarifs sur les produits de leurs partenaires commerciaux, leur niveau moyen reste plus élevé en Afrique que dans le reste du monde. Mais de nombreux autres obstacles participent à ces coûts du commerce comme des régulations excessives ainsi que des délais d’attente aux frontières et dans les ports préjudiciables pour les entreprises.

Cette note se focalise principalement sur l’analyse des mesures de facilitation du commerce (soft) et les indices de la performance logistique (hard), deux dimensions distinctes des coûts de transport. Dans le rapport Doing Business de la Banque mondiale, le point de vue des entreprises est présenté à travers leur perception de la régulation et des capacités institutionnelles par exemple, constituant des indices soft. À l’inverse, le Logistic Performance Index (LPI) se base sur six aspects beaucoup plus quantitatifs et concrets (hard) comme la capacité à suivre les transports ou la fréquence à laquelle les envois arrivent en temps et en heure à bonne destination. Mêlant ces différentes données issues de la Banque mondiale, la conclusion est la même sur les deux aspects : l’Afrique est en queue de peloton, même par rapport à d’autres régions émergentes.

Il y a donc urgence à agir pour désenclaver les pays africains entre eux à travers un grand nombre de mesures. Notre continent a tout à gagner à ce que les marchandises « circulent mieux dans un espace plus intégré » et que « des chaînes de valeur » puissent « se mettre en place au niveau africain avant de rejoindre les circuits internationaux ». L’importance à accorder au secteur des transports et à la performance logistique est donc décisive pour permettre à l’Afrique d’augmenter la taille de ses marchés et de réaliser des économies d’échelles.

En parallèle, l’intégration régionale doit prendre corps au niveau institutionnel et réglementaire, pour décongestionner nos frontières et nos ports par l’harmonisation de nos politiques douanières. S’il parvient à combler ce retard, notre continent sera en capacité de générer un surplus d’intégration et donc de croissance économique, dont les gains profiteront à nos populations et à l’amélioration de leurs conditions de vie. Il ne nous reste plus qu’à prendre ensemble, nous pays africains, la route de l’intégration régionale en brisant les barrières qui entravent nos relations commerciales.

LE NEPAD DEVIENT L’AGENCE DE DEVELOPPEMENT DE L’UNION AFRICAINE

Lors de la 31e session ordinaire de la Conférence des chefs d’État et de gouvernement de l’Union africaine à Nouakchott, en Mauritanie, les chefs d’État et de gouvernement africains ont reçu plusieurs rapports, y compris l’état de la mise en œuvre des réformes institutionnelles de l’UA, présentées par le président rwandais Paul Kagame. Le Président Kagame est l’actuel président de l’Union africaine et le champion du processus de réformes institutionnelles de l’UA.

Lors du Sommet de Nouakchott, une décision officielle a été prise sur la transformation de l’Agence de planification et de coordination du NEPAD en Agence de développement de l’Union africaine.

La Conférence a approuvé la création de l’Agence de développement de l’Union africaine en tant qu’organe technique de l’Union africaine doté de sa propre identité juridique et de ses propres statuts. Ces statuts seront développés et présentés pour adoption au prochain Sommet de l’UA en janvier 2019.

L’Assemblée a félicité le Président sénégalais, S.E. Macky Sall, Président en exercice du Comité d’orientation des chefs d’État et de gouvernement du NEPAD, pour avoir renforcé la crédibilité du NEPAD, une institution reconnue par la communauté internationale, y compris  par le G20 et par le G7.

Les réformes en cours à l’UA sont une affirmation par les États membres de leur engagement envers l’Agence du NEPAD en tant qu’instrument de l’UA établi pour appuyer les pays et les organismes régionaux dans la mise en œuvre de la vision du développement du continent – telle qu’articulée dans les sept aspirations et les 20 objectifs de l’Agenda 2063.

Ibrahim Assane Mayaki, Secrétaire exécutif de l’Agence du NEPAD, a déclaré : « Un aspect essentiel des réformes en cours consiste à rationaliser et à améliorer l’efficacité et l’efficience dans la mise en œuvre des décisions, politiques et programmes de l’UA à travers tous ses organes et institutions. En ce sens, comme l’Agence du NEPAD est l’agence de mise en œuvre technique de l’UA, une recommandation spécifique du rapport Kagame consiste à la transformer en Agence de développement de l’UA. Nous sommes enthousiasmés par cette transformation, qui permettra de déployer encore plus efficacement nos programmes au service du développement de notre continent. »

L’Afrique de l’Ouest face au défi du commerce illicite

Dans un rapport conjoint, l’OCDE et la Banque africaine de développement (BAD) se penchent sur l’économie du commerce illicite en Afrique de l’Ouest[i]. Le Groupe de haut niveau sur les flux financiers de la Commission économique pour l’Afrique des Nations Unies avait déjà estimé que les flux financiers illicites (FFI) en provenance du continent africain s’élevaient à 50 milliards de dollars, un chiffre contesté, bien que tous les analystes s’accordent à dire que le volume des FFI dépasse celui de l’aide publique au développement (APD) à destination de l’Afrique (41 milliards USD en 2016). Or ce rapport est intéressant dans la mesure où il analyse les données et faits relatifs à 13 économies criminelles et illicites (allant du trafic de cocaïne au détournement de pétrole en passant par la pêche illicite), les FFI que ces économies produisent et leur impact sur le développement.

Le premier constat est que ces économies se retrouvent au contact d’un large éventail d’acteurs qui comprend aussi bien les réseaux criminels, que le secteur privé (domestique et international) et les responsables publics. Dans l’ensemble de la région, on assiste donc à diverses formes d érosion de l’État de droit et de la bonne gouvernance suite à ces différentes interactions. Le second constat est que certaines de ces économies criminelles et illicites ne sont pas toujours stigmatisées par les communautés des régions où elles opèrent, dans la mesure où elles représentent un moyen de subsistance important. Cet écosystème trouble créé donc une forme de pouvoir local alternatif venant concurrencer directement l’État dont la légitimité s’érode auprès de ces communautés.

La frontière poreuse entre le licite et l’illicite en Afrique de l’Ouest est facilitée par la prépondérance de l’économie informelle, qui représenterait 60 à 70% de l’économie globale de la région. C’est pourquoi il est utile de rappeler ici l’urgence d’investir dans l’inclusion financière. Trop de nos concitoyens n’ont toujours pas accès aux produits et services financiers de base, les obligeant à réaliser toutes leurs transactions en liquide ou encore à utiliser des systèmes informels de transferts de fonds. Il n’est pas étonnant alors que d’importants volumes de transactions échappent aux autorités de l’État et aux institutions internationales, nous empêchant de quantifier l’activité économique réelle de certaines régions.

Ainsi, le détournement de l’or au Ghana priverait selon certaines analyses le pays des recettes d’un tiers de sa production ! Au Nigeria, celui du pétrole représenterait entre 3 et 8 milliards de dollars par an. La contrebande de tabac constituerait une perte de 16,6 milliards de dollars de recettes douanières au Mali, etc. Or les flux financiers de ces activités sont autant d’investissements perdus pour l’éducation et la santé dans des pays qui sont souvent déjà fragilisés au niveau politique et sécuritaire.

Répondre au défi du commerce illicite est une tâche complexe compte tenu de l’enchevêtrement des acteurs impliqués et du sort des populations dépendant de ces activités pour vivre. Nous ne devons pas avoir une approche binaire, mais d’emblée reconnaitre que toutes les activités informelles générant des FFI ne sont pas pour autant de nature criminelle. Nous devons être capable de fournir aux populations qui vivent dans les régions touchées des améliorations à leur conditions de développement.

Il est en effet indispensable d’avoir une réponse sur deux fronts : s’attaquer aux économies criminelles et aux trafiquants d’une part, améliorer les conditions socio-économiques des populations vivant dans le creuset de ces économies d’autre part et rendre nos opinions nationales suffisamment informées. Enfin, cette problématique régionale n’est que le reflet infime d’une économie mondialisée du crime. C’est pourquoi une coopération accrue avec les pays de l’OCDE et les pays d’origine ou de destination de certains trafics est nécessaire pour combattre pleinement et efficacement ces réseaux transnationaux.

Sans ses propres données, l’Afrique est condamnée à avancer à l’aveugle

En déclarant dans une interview au Wall Street Journal que des méthodologies souffrant d’imprécisions, voire d’un biais politique, ont affecté les performances de certains États au classement « Doing Business », le très iconoclaste économiste en chef de la Banque mondiale Paul Romer a déclenché une véritable tempête. L’interview a notamment résonné au Chili, pays particulièrement victime de ce biais. L’ancienne présidente socialiste Michelle Bachelet s’est dite très « préoccupée », et appelle à une enquête approfondie de l’institution sur cette dérive.

Si l’Afrique n’est pas au cœur de cette affaire, le cas chilien est une nouvelle occasion de sonner l’alarme. En effet, les pays africains, à l’image de nombreux pays émergents, n’ont pas encore réussi à développer des outils de collecte des données et de production de statistiques fiables. Les gouvernements africains, mais aussi les chercheurs et les citoyens dépendent donc des données fournies par les institutions internationales comme l’ONU, l’OCDE, le FMI et la Banque mondiale.

Sans vouloir remettre en cause le travail essentiel fourni par ces différentes institutions, il n’en est pas moins fondamental que l’Afrique s’approprie pleinement le sujet des données et des statistiques pour pouvoir élaborer sa propre vision stratégique. Aucune des institutions internationales n’est à l’abri de possibles manipulations, ou tout simplement de partialité structurelle à l’encontre de certains pays ou de certains types de réformes. Or une analyse africaine du développement du continent est indispensable pour poser les bases saines de l’Afrique de demain.

Plusieurs facteurs expliquent ce retard pris par l’Afrique dans ce domaine. Tout d’abord, les faibles moyens mis à disposition des institutions nationales de statistique qui dépendent trop largement des financements extérieurs pour leur fonctionnement. Aussi parce que ces instituts sont trop souvent sous tutelle politique, laissant courir le soupçon d’un possible manque de neutralité. L’indépendance de ces instituts est nécessaire, afin qu’ils établissent eux-mêmes leurs programmes de recherche, indépendamment des agendas politiques et du calendrier électoral.

Les statistiques servent de miroir chiffré à la réalité du quotidien. Or, pour prendre les bonnes décisions politiques et économiques, une réalité déformée peut être source d’erreurs. Sans informations fiables, l’élaboration d’une politique de développement efficace n’est pas possible. Ces statistiques sont indispensables pour une bonne affectation des ressources et une évaluation rigoureuse de l’impact des politiques publiques mises en place. C’est pourquoi les gouvernements doivent comprendre que l’investissement dans les statistiques est rentable, grâce à l’amélioration générale du déploiement des ressources qui en découle.

Surtout, au-delà de l’impératif économique, les gouvernements africains doivent mettre à disposition de leurs citoyens de bonnes statistiques. Elles améliorent la transparence et la responsabilité en matière de gestion publique. C’est seulement dans ces conditions que les citoyens peuvent juger des politiques mises en place par leur gouvernement et ainsi voter de la manière la plus informée.

Plus que jamais, l’open data et la transparence des données doivent être une priorité pour nos sociétés afin de structurer le débat politique. À l’ère des « fake news », il est d’autant plus impératif de combattre les rumeurs et les mensonges en fournissant des données pertinentes et fiables à l’espace public. C’est ainsi que nous favoriserons le développement de la démocratie participative et de sociétés plus apaisées.

La restauration des terres en Afrique, une urgence qui doit passer par le secteur privé

Je partage avec vous cet article de Mamadou Diakhité, l’administrateur principal du programme Gestion durable des terres et de l’eau au sein de l’agence du Nepad.
Il est urgent de repenser la distribution de l’aide à la lutte contre le réchauffement climatique en Afrique, en s’appuyant notamment sur le secteur privé et en privilégiant les programmes de restauration des terres

À l’heure où l’urgence climatique se manifeste sous tant de formes, que ce soit par la violence des catastrophes naturelles, la baisse des récoltes en milieu rural ou la dégradation de l’air dans les villes, il est plus que jamais difficile d’établir une hiérarchie des priorités entre atténuation des émissions de gaz à effet de serre (GES) et adaptation aux changements climatiques.

Article complet ici.